Suite « Tension et créativité » – Vendredi 29 juin 2007
Je poursuis la réflexion ébauchée dans mon mail sur l’atelier « Tension et créativité » en précisant autant que faire se peut ma position « dans l’histoire ».
Le séminaire londonien, cela a été une bouffée d’air frais pour moi : lorsque l’art s’allie à la science, les questions deviennent plus importantes que les réponses, qui n’ont de sens que si elles ouvrent l’espace à d’autres questions.
Dans la salle, j’ai vu des artisans, qui soumettaient le fruit de leurs efforts, et un public sensible à l’honnêteté du travail. L’émotionnel reprenait sa place au lieu de l’envahir.
En même temps, l’étrangeté pour moi de la langue me privait des apartées, chaque fois que les gens « se » comprenaient sans expliciter, je ratais le coche. Si l’articulation n’était pas détachée, si le volume de la voix était à la confidence, je me retrouvais en pays étranger, où seule la tonalité, le timbre et le rythme des mots faisaient sens, mais je n’avais plus « le » sens. Surtout, je ne pouvais dialoguer qu’intérieurement, ou après les conférences, avec tel ou tel intervenant.
Ajouter à cela l’étrangeté du discours computationnel, deuxième langue étrangère, cette fois inaccessible à mes neurones.
D’où ces quelques touches, évanescentes, que j’ai pu cueillir au vol comme on va à la pêche au filet. Seul ce qui émergeait à la surface de l’eau sous un angle visible pour mon regard m’a été accessible.
Ces quelques prises allaient dans le sens de ma propre recherche par le choix des mots, tout en donnant une lisibilité nouvelle par leur ordre ou leur relative proximité.
Par exemple : « nécessité pour la chose juste ». Deux concepts mis ensemble de façon si sobre que l’on réalise que l’un ne peut aller sans l’autre. Des phrases comme cela, c’est à pleurer.
Allier signature et humanité : la Vallée des Merveilles montre des gravures de l’Age du Bronze, vénérés, et quelques gravures plus récentes considérées comme du vandalisme. Malgré moi, à la lisière extérieure du site protégé, protégée moi-même de l’orage, je n’ai pu m’empêcher de graver. C’était juste irrépressible, « fondamental ». Visible ou invisible, la signature a besoin de s’inscrire, fusse-t-elle à travers le secret.
Cerner le minima pour ouvrir au maxima : sept mots qui résument trente ans de recherche. Le minimum nécessaire et suffisant jamais définissable. Espace minimal(iste) indisséquable ?
Discerner créativité et amélioration : le Vijnana Bhairava du Shivaïsme cachemirien traite de cette question délicate avec la fulgurance de « l’épée de diamant » et laisse la coupure vivante.
Un « système qui trouve des choses intéressantes » réveille de l’ennui, de la stagnation stérile et autosatisfaisante.
L’histoire des deux formes de construction reste vague pour moi, je ne fais qu’en pressentir l’importance, je l’ai mentionnée quand-même.
Finir une œuvre par l’incomplétude : le seul compromis valable à mes yeux aujourd’hui.
Andréine
Article créé le 16/02/2020 – modifié le 12/06/2020