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Le vide


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Lam­besc

!!Le vide – 12 jan­vier 2008

Impres­sions de Johan­na

Nous étions deux, Andréine et moi.

Le fait qu’on se retrouve à deux avait for­te­ment influen­cé ma sen­sa­tion de démar­rage : le vide.

Pour Andréine c’était : pul­sa­tions. Pen­dant toute la pre­mière par­tie nous avons expé­ri­men­té avec notre corps autour de ces deux sen­sa­tions, moi j’ai essayé de me « rem­plir », tan­tôt en agi­tant ou réchauf­fant mon « conte­nant », mon enve­loppe ou en ten­tant de faire cir­cu­ler l’énergie à l’intérieur par des éti­re­ments, mais rien ne fai­sait. En somme, une recherche assez tech­ni­co-pra­tique. Andréine avait réus­si à entrer dans ces pul­sa­tions et à les faire gran­dir vers des exten­sions-rétrac­tions.

A la pause nous avons com­men­cé à par­ler du « vide », plu­tôt, moi j’ai deman­dé à Andréine de me par­ler du vide dans la danse. Très rapi­de­ment nous sommes arri­vées à par­ler de la culture japo­naise qui est pro­ba­ble­ment la seule au monde à avoir déve­lop­pé ce concept à un degrée aus­si pous­sé. La notion de « vide » est très impor­tante par­tout, dans la poé­sie (les haï­kus), le théâtre (le nô), la danse, la pein­ture, l’esthétique de l’habitat, bref, un peu par­tout dans la vie et bien sûr dans le zen. Le vide appelle le plein et vice-ver­sa. Il ne peut y avoir de plein sans vide.

Nous, occi­den­taux, cher­chons à rem­plir constam­ment notre temps, notre espace. Beau­coup ont peur du vide, du silence. Dont je suis (mais j’y tra­vaille).

Sur une musique du com­po­si­teur japo­nais Take­mit­su, nous avons impro­vi­sé sur ce thème. Moi, d’abord j’ai essayé de bou­ger uni­que­ment pen­dant les silences et non pas sur les sons et rhymes. Mais ça deve­nait très vite redon­dant et je me suis trou­vée trop « dans le men­tal » ; puis j’ai lâché cette inten­tion et j’ai com­men­cé à jouer entre le vide et le plein, le son et le silence.

Ensuite, dans une deuxième ten­ta­tive j’ai tout d’abord ten­té de « faire le vide » dans mon corps et de bou­ger à par­tir de là, j’ai com­men­cé à me sen­tir légère comme une plume et à flot­ter dans quelque chose comme l’univers sur la musique du com­po­si­tuer ita­lien Jacin­tho Scel­si, par­faite pour cela. Une sen­sa­tion extra­or­di­nai­re­ment agréable et trou­blante à la fois, l’impression qu’on tombe, tombe, tombe, par­mi des mil­lions d’astres, sans jamais se heur­ter à aucun, ni sol ni sup­ports, tom­ber dans l’infini, le vide, être vide, légère, bien. Comme dans un rêve ou au moment où l’on meurt ? Je ne sais pas.

Si bien que si j’ai com­men­cé l’atelier avec une sen­sa­tion néga­tive du vide, je l’ai ter­mi­né avec un ren­ver­se­ment total de celle-ci, en l’acceptant d’abord comme étant là, puis en entrant dedans ensuite. Magique.

Je pense qu’Andréine vous fera part de ses impro­vi­sa­tions. Elle a d’abord fait une danse avec des mou­ve­ments très mini­ma­lites, puis une deuxième, res­tant sur une ligne au bord du car­ré rouge – tout le reste du car­ré étant vide avec des dépla­ce­ments avant-arrière, emprun­tant par moments une démarche ani­male.

Nous nous sommes fil­mées l’une l’autre.

Johan­na Bou­char­deau

Impres­sions d’Andréine :

En fait, je n’ai pas essayé de faire gran­dir les pul­sa­tions ou quoique ce soit d’autre, et en cela, je n’ai rien « réus­si » de spé­cial. En allant « avec » les pul­sa­tions, elles se sont accen­tuées, per­dant de leur fébri­li­té et gagnant en ampli­tude.

Com­ment ne pas pro­je­ter un idéal, ne pas avoir d’intention face aux sen­sa­tions pre­mières (ten­sions, crampes, mol­lesse etc.) reste un exer­cice dif­fi­cile. Pour cela, il faut aller avec la sen­sa­tion. Johan­na décrit très bien ci-des­sus son che­mi­ne­ment et « appri­voi­se­ment » du vide.

Plus la danse est mini­male, plus elle est struc­tu­rée en elle-même et dans l’espace… d’où pour la camé­ra, la néces­si­té de mini­ma­li­ser l’image, faire oublier le cadreur…

Tout ce que décrit Johan­na était per­cep­tible de ma place de spec­ta­trice. Il y a des bon­heurs qui ne s’oublient pas…

Andréine Bel

Article créé le 16/02/2020

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